Une intervention est programmée pour la première fois en chirurgie viscérale pour chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale (CHIP) dans votre établissement.
Comment allez-vous gérer les dispositifs médicaux réutilisables ? Quels conseils pour le prétraitement des DMR, quels risques pour les agents de stérilisation?
Il existe différentes techniques de chimio-hyperthermiques intrapéritonéales : les CHIP ouvertes, les CHIP réalisées après sutures chirurgicales où la chimiothérapie (CT) est introduite par des drains sans matériel chirurgical supplémentaire et la chimiothérapie intrapéritonéale pressurisée par aérosols (CIPPA ou PIPAC).
La prise en charge du matériel va donc dépendre de la technique utilisée.
- Pour le drain : il n’y a aucun matériel réutilisable à associer, sauf en cas de reprise du patient au bloc opératoire dans les heures ou jours suivants où des résidus seront retrouvés in situ. Dans ce cas, se référer au paragraphe sur la CHIP ouverte.
- Pour la CHIP ouverte : la préparation de la chimiothérapie doit être réalisée par l’URC (unité de reconstitution des chimiothérapies). Le temps de contact entre le patient et la chimiothérapie dépend du protocole : généralement entre 30 et 90 minutes. Le personnel du bloc doit porter tous les EPI nécessaires (tablier, gants à manchettes longues, masque à charbon, visière…). Afin d’éviter la dissémination de la chimiothérapie au bloc et donc un contact inapproprié avec le personnel et les DMR, il est nécessaire de disposer d’un prolongateur de paroi abdominale à usage unique, fixé sur l’écarteur de thompson avec des pinces à UU. L’aspiration de la CT se fera par un système à UU dans des bocaux qui seront directement éliminés.
La chimiothérapie aspirée n’est ainsi pas en contact avec les DMR directement et ne doit surtout pas être éliminée dans le bain de de prétraitement.
Ainsi, le contact des DMR au bloc ne se fera qu’avec des résidus de CT lors de la fermeture de la paroi. Ce contact est ainsi minime entre les DMR et la CT. Lors du prétraitement des DMR, la CT résiduelle se trouvera alors extrêmement diluée dans le bain et cela d’autant plus qu’un instrument métallique n’a pas la capacité d’absorber les liquides (et par conséquent de les relarguer). Le bain de prétraitement peut ainsi être éliminé dans les conditions habituelles du bloc opératoire.
Il en résulte que lors de la prise en charge en stérilisation, le port des EPI habituels (gants, lunettes, tablier à UU…) est suffisant. Le risque pour les agents de stérilisation est très largement acceptable dans ces conditions. Toutefois une présentation aux instances de l’établissement est recommandée (CSCTH) ainsi qu’un suivi des agents par la médecine du travail.
- PIPAC : nouvelle alternative à la CHIP (chirurgie parfois trop lourde pour certains patients fragiles). L’application est toujours laparoscopie et la vaporisation permet une meilleure pénétration de la CT. L’administration se fait via des trocarts avec une exposition pendant environ 30 minutes. L’aérosol est ensuite évacué et les orifices fermés. Afin d’éviter la dissémination de la CT dans l’atmosphère du bloc et sur les DMR, il est nécessaire de s’assurer de l’étanchéité des trocarts à ballonnets et de l’étanchéité des jonctions de l’équipement. En fin d’intervention, une bonne dépressurisation de l’abdomen est garante de la non fuite de CT par les incisions de trocarts et du dépôt de CT sur les DMR. Le recours à des DMR à UU permet d’éviter une exposition résiduelle des personnels de prétraitement.
Différentes études [1], [2] et [3] ont montré que les agents détergents sont efficaces pour le nettoyage des DMR. Il est donc recommandé un circuit classique en stérilisation, dans les mêmes conditions que la CHIP.
[1] Evaluation of decontamination efficacy of cleaning solutions on stainless steel and glass surfaces contaminated by 10 antineoplastic agents. Queruau Lamerie T, Nussbaumer S, Décaudin B, Fleury-Souverain S, Goossens JF, Bonnabry P, Odou P. Ann Occup Hyg. 2013 May;57(4):456-69.
[2] Effectiveness of cleaning of workplace cytotoxic surface. Lê LM, Jolivot PA, Sadou Yaye H, Rieutord A, Bellanger A, Pradeau D, Barbault-Foucher S, Caudron E. Int Arch Occup Environ Health. 2013 Apr;86(3):333-41.
[3] Efficacy of Two Cleaning Solutions for the Decontamination of 10 Antineoplastic Agents in the Biosafety Cabinets of a Hospital Pharmacy. Anastasi M, Rudaz S, Queruau Lamerie T, Odou P, Bonnabry P, Fleury-Souverain S. Ann Occup Hyg. 2015 Aug;59(7):895-908.
Révision janvier 2017
Actuellement, tous les instruments de bloc subissent une pré-désinfection (instruments souillés et instruments non utilisés) dans le même bac. Est-il incohérent de proposer que seul le matériel souillé soit mis à pré-désinfecter et que le matériel non souillé soit remis dans le conteneur ? A la stérilisation, tout sera lavé mais les instruments non utilisés ne subiront alors pas de pré-désinfection.
La stérilisation ne peut se concevoir sans les étapes préalables (pré-désinfection, nettoyage) destinées à diminuer au maximum la biocharge avant l’étape de stérilisation. Il est préférable que tous les instruments soient pré-désinfectés car on ne connaît pas de façon certaine le sort réservé à ceux qui n’ont pas été utilisés. Ils ont au moins été manipulés…
Néanmoins ceux qui ont été triés préalablement à l’intervention et isolés de la table d’instrumentation peuvent être exclus du champ de la pré-désinfection.
Révision janvier 2017
Est-il possible d'utiliser les mêmes bacs pour le pré-traitement des DM et leur transport vers la stérilisation (après élimination du liquide de pré-désinfection et rinçage des DM) ?
La ligne directrice particulière N°1 chapitre 9 « Préparation des dispositifs médicaux stériles » des Bonnes Pratiques de Pharmacie Hospitalière (arrêté du 21 juin 2001) précise que le matériel médical souillé est transporté dans des conditions ne présentant aucun risque de contamination pour les personnes et pour l’environnement.
Il est tout à fait possible d’utiliser les mêmes bacs pour la pré-désinfection et le transport vers la stérilisation à condition que les conditions de transport soient maîtrisées. Cette organisation présente d’ailleurs l’avantage de permettre de laver efficacement les bacs en stérilisation.
A l’inverse, un bac de pré-désinfection, même convenablement nettoyé, ne peut convenir pour le transport de DMR stériles.
Révision janvier 2017
La Pharmacie à Usage Intérieur (P.U.I.) peut-elle refuser de s’impliquer dans l’opération de pré-désinfection, quel qu’en soit le niveau ?
La ligne directrice particulière N°1 « Préparation des dispositifs médicaux stériles » des Bonnes Pratiques de Pharmacie Hospitalière (arrêté du 21 juin 2001) définit nettement les domaines de responsabilité :
- opérations de stérilisation des dispositifs médicaux = étape de pré-désinfection + étapes de préparation des dispositifs médicaux
- étapes de préparation des dispositifs médicaux =
- le nettoyage,
- la recomposition,
- le conditionnement,
- la stérilisation proprement dite,
- les contrôles des différentes opérations,
- le stockage et la mise à disposition.
« En dehors de la pré-désinfection, ces opérations sont obligatoirement mises en œuvre par la pharmacie à usage intérieur dans des locaux affectés à cette activité » La pré-désinfection n’est pas sous l’autorité directe de la PUI.
Il est donc bien clair que le chef de service où est effectuée la pré-désinfection reste in fine responsable de cette opération, qui s’effectue dans son service par du personnel placé sous sa responsabilité.
Mais la PUI peut-elle pour autant se désintéresser de la pré-désinfection ?
Ce même texte précise : « La stérilité d’un dispositif médical est déterminée par l’ensemble des opérations nécessaires à l’obtention et au maintien de l’état stérile de ce dispositif ».
Il doit donc y avoir une vision globale sur la qualité de la stérilisation, ce que prévoient les lignes directrices N°1 en définissant le rôle du responsable du système permettant d’assurer la qualité de la stérilisation des dispositifs médicaux.
Ses attributions sont définies au § 4-3 :
Ce responsable, désigné selon des modalités fixées par voie réglementaire, est une personne compétente et d’un niveau de qualification technique, dans le domaine de la stérilisation, au moins égal à celui du pharmacien ou de l’utilisateur médecin.
« Il s’assure de la mise en œuvre du système permettant d’assurer la qualité de la pré-désinfection et des opérations de préparation des dispositifs médicaux stériles, adapté aux besoins de l’établissement … il approuve la procédure de pré-désinfection des dispositifs médicaux à stériliser ».
Or dans de nombreuses Stérilisations Centrales, pour ne pas dire la très grande majorité, ce rôle est joué par le pharmacien responsable de la préparation des dispositifs médicaux stériles.
Par ailleurs, s’il est encore utile d’en rajouter, la PUI est chargée :
- d’un rôle d’information et d’éducation :
elle doit :
« – assurer, dans le respect des règles qui régissent le fonctionnement de l’établissement, la gestion, l’approvisionnement, la préparation, le contrôle, la détention et la dispensation des médicaments, produits ou objets mentionnés à l’article L. 4211-1 ainsi que des dispositifs médicaux stériles ; – mener ou participer à toute action d’information sur ces médicaments, matériels, produits ou objets, ainsi qu’à toute action de promotion et d’évaluation de leur bon usage, de contribuer à leur évaluation et de concourir à la pharmacovigilance et à la matériovigilance ; – mener ou participer à toute action susceptible de concourir à la qualité et à la sécurité des traitements et des soins dans les domaines relevant de la compétence pharmaceutique (Article L 5126-5 du CSP) » ;
- d’un rôle de participation à l’élaboration de la politique visant à diminuer les risques de transmission des infections : elle participe au CLIN (Circulaire DGS/DHOS/E2 – N° 645 du 29 décembre 2000 relative à l’organisation de la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé), et de ce fait, elle participe notamment à la définition de la politique de l’utilisation des désinfectants ;
- d’un rôle dans l’approvisionnement des produits désinfectants :
elle est sollicitée pour la rédaction du cahier des charges, elle participe aux essais et donne un avis technique à la commission d’appel d’offres, en lien avec le service d’hygiène hospitalière. Dans certains établissements, la P.U.I. est chargée des achats et de l’approvisionnement en produits désinfectants et détergents-désinfectants ;
- d’un rôle de contrôle de l’exécution de cette opération :
en exigeant la traçabilité de la pré-désinfection sur les fiches de liaison entre blocs, unités de soins et la Stérilisation Centrale.
Il n’est donc pas concevable que la PUI se désintéresse complètement de cette étape si importante. Elle a un rôle à jouer à plusieurs niveaux.
En pratique, comment la PUI doit-elle et peut-elle intervenir ?
En collaboration avec l’Équipe Opérationnelle d’Hygiène Hospitalière, la PUI intervient :
- au niveau de la formation du personnel (au minimum sur le plan théorique de cette étape)
- au niveau de la diffusion de l’information sur la bonne utilisation des produits
- au niveau de la rédaction et de l’approbation des procédures à appliquer dans tous les sites où le matériel sera stérilisé ou désinfecté
- au niveau de l’exigence de la traçabilité sur les documents accompagnant le matériel à stériliser
- au niveau de l’audit des pratiques dans les lieux d’utilisation des dispositifs médicaux réutilisables.
Révision janvier 2017
J'assure une sous-traitance de stérilisation pour une clinique (ou un cabinet) située à 20 km de ma stérilisation. Faut-il commencer le traitement des instruments dès leur arrivée par une nouvelle pré-désinfection, vu que je ne suis pas maître de cette étape, et que ma responsabilité est engagée sur la stérilité des instruments que je leur retourne ?
L’intérêt de la pré-désinfection est d’être réalisé sur le lieu d’utilisation des instruments, immédiatement après leur utilisation. Les buts sont décrits dans les BPPH : « … La pré-désinfection a également pour but de protéger le personnel lors de la manipulation des instruments et de protéger l’environnement. Elle est réalisée le plus rapidement possible après utilisation du dispositif médical, au plus près du lieu d’utilisation, avant le nettoyage, selon une procédure approuvée par le responsable du système permettant d’assurer la qualité. »
Une nouvelle pré-désinfection réalisée dans le service de Stérilisation n’a guère de sens, car les instruments vont être de toute façon lavés en machine dès leur arrivée. La plupart du temps, les Stérilisations sont équipées de laveur-désinfecteur, ce qui procure une sécurité supplémentaire au personnel qui le prendra en charge dès la sortie des laveurs. Lors d’une sous traitance, un contrat entre les deux partenaires est établi. Il est important dans ce contrat de déterminer les responsabilités de chacune des parties notamment pour ce qui est de :
- la pré-désinfection ;
- la logistique ;
- le stockage.
La pré désinfection est importante dans la chaîne de stérilisation mais la logistique et le stockage également car ce sont le garant du maintien de l’état stérile.
Révision janvier 2017
J’assure une sous-traitance de stérilisation pour une clinique (ou un cabinet) située à 20 km de ma Stérilisation. La collecte ne se fait que deux fois par semaine. Les instruments sont pré-désinfectés dans le bloc (ou le cabinet). Est-il judicieux de les laver une première fois dans le bloc, en raison du délai entre chaque collecte ? Les instruments sont de toute façon relavés à la Stérilisation dès leur arrivée.
« Il est impératif d’éviter le séchage des souillures sur le matériel ». (BPPH). La pré-désinfection n’a pas la qualité d’un lavage, et si le délai avant la prise en charge des instruments en vue de leur stérilisation est important, il peut se produire une fixation des souillures qui n’ont pas été éliminées au cours de la pré-désinfection (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il ne faut pas sécher les instruments après pré-désinfection). Dans ce cas, un lavage réalisé après la pré-désinfection, dans le site « sous-traité », peut se justifier. Si le traitement est réalisé aussitôt après la sortie du bloc opératoire, la pré-désinfection n’est pas obligatoire si le lavage est réalisé au moyen d’un laveur-désinfecteur qualifié (BPPH). Il faut bien noter que dans ces deux cas, le laveur et l’eau de lavage doivent faire l’objet d’un système qualité destiné à garantir la reproductibilité constante de leurs performances.
Dans tous les cas, un second lavage doit être réalisé dans le service de stérilisation qui effectue la sous-traitance.
Révision janvier 2017